« La technologie n’est pas un danger, c’est une opportunité »

Depuis mai dernier, Marc De Groote est le nouveau président d’Agoria, la fédération belge de l’industrie technologique. Dès son premier discours, il a prononcé un fervent plaidoyer en faveur de la technologie, qu’il voit comme la clé d’un avenir meilleur. « L’évolution ne peut que suivre son cours et nous devons tout mettre en oeuvre pour ne pas rater le train. » Quant à la manière dont nous devons nous y prendre, sa vision est on ne peut plus claire.

« La technologie et l’innovation impliquent de grands défis. Nous verrons l’évolution dans toutes les dimensions de la société : au travail, dans l’enseignement, dans les soins de santé, mais aussi à la maison. Les TI et la numérisation sont universelles. C’est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Certains se posent des questions quant à notre future sécurité d’emploi. Aurons-nous encore besoin de chauffeurs si les voitures roulent toutes seules ? Quels emplois seront remplacés par des robots ? Pas de doute, ces problématiques sont à l’ordre du jour. À chaque nouvelle vague d’innovations, des emplois disparaissent, nous ne pouvons le nier. De nombreuses tâches manuelles sont devenues inutiles en raison de l’automatisation. Mais, dans le même temps, cette dernière a aussi créé de nouvelles fonctions.

C’est ainsi que le nombre de contrôleurs et d’opérateurs chargés de surveiller les opérations a augmenté. Et, quoi qu’il en soit, nous aurons toujours besoin de travailleurs manuels dûment formés. Je n’entrevois pas non plus de problèmes pour les fonctions de haute technologie. La mise au point de concepts et les fonctions créatives continueront d’exiger notre intervention. En revanche, les ouvriers non qualifiés n’auront que peu ou pas d’opportunités. Toutes les tâches répétitives sont amenées à être prises en charge par des machines. L’intelligence artificielle et les robots autodidactes, ou self-learning robots, menacent même les médecins en raison de leur capacité à traiter de grandes quantités de données, ce qui leur permet de détecter et d’analyser plus facilement les pathologies.

Mais Agoria n’envisage pas cette évolution comme un danger. Au contraire, elle la voit plutôt comme une opportunité pour l’humain et pour les entreprises. À l’avenir, d’autres aptitudes seront nécessaires, et elles mèneront à de nouveaux emplois. Nous aurons par exemple besoin de personnes formées pour piloter les drones. Agoria souhaite créer un contexte qui élimine un maximum d’obstacles afin que nous ne rations pas le train. »

« Nous devons continuer d’investir dans le capital humain. »

Un modèle économique dépassé
« Sur le plan de l’e-commerce, nous avons bel et bien pris du retard. Pour l’heure, le marché belge de l’e-commerce a été absorbé par des acteurs étrangers tels que bol.com. Cette situation s’explique en partie par un manque de flexibilité sur le marché du travail. Le modèle économique traditionnel, qui repose sur des emplois de neuf heures à dix-sept heures, est dépassé. Avec l’e-commerce, il faut pouvoir travailler en continu, le jour comme la nuit. Cette évolution demande des adaptations majeures de la structure des entreprises et chez les travailleurs. Les cadres sociaux et législatifs ne sont pas encore prêts pour ce changement.

Toutefois, les politiques sont toujours plus nombreux à avoir compris cet enjeu et on note déjà des avancées dans la bonne direction. Par exemple, après la fermeture de l’usine Volkswagen, le travail flexible a été autorisé et Audi en a immédiatement profité. En conséquence, la marque fait désormais construire ses nouveaux modèles et véhicules électriques chez nous. Mais les pouvoirs publics ne sont pas des entrepreneurs, et ils ne peuvent que concevoir des lois visant à faciliter les innovations technologiques. Intrinsèquement, nous disposons de compétences en suffisance : un enseignement de grande qualité, des scientifiques diplômés et une position géographique intéressante. Nous devons encore plus jouer sur ces atouts et les proposer sur le marché. L’entrepreneuriat coule dans notre sang, là n’est pas le problème, mais les Belges ont tendance à rester trop discrets. La petite taille de notre marché fait que nous ne sommes pas directement remarqués à l’échelle de l’économie mondiale, mais nous pouvons compenser cet aspect par la collaboration.

Agoria prend des initiatives afin d’organiser ces groupements de coopération. La fédération s’emploie ainsi à rassembler des entreprises de divers secteurs autour d’un thème spécifique, tel que les villes intelligentes. Dans ce contexte, ABB joue un rôle de précurseur. Pas seulement grâce aux produits qu’elle met au point, mais aussi en tant qu’entreprise innovante qui insuffle une dynamique essentielle. ABB est d’ailleurs un acteur international qui affiche d’excellentes performances en matière de durabilité et d’innovation, et ce, dans tous les domaines. »

La clé d’un nouveau bien-être
« La durabilité implique d’utiliser moins de matières premières, de travailler plus efficacement et de miser sur les sources d’énergie renouvelables. Seule la technologie peut nous mener à ce résultat. Elle est la clé pour plus de bien-être : de meilleurs soins de santé, une qualité de vie optimale, un environnement plus sain... Des améliorations dont nous profiterons tous.

Ces modifications vont inéluctablement de pair avec une autre manière de vivre et de réfléchir. Les changements sont source d’incertitude et de craintes chez bien des personnes. Mais n’oublions pas qu’il ne sert à rien de nous accrocher aux acquis du passé. Ils ne sont tout simplement plus applicables à l’avenir. Agoria souhaite ouvrir le débat à ce sujet aux côtés d’autres partenaires sociaux. L’exercice demandera à toutes les personnes autour de la table de faire preuve d’ouverture d’esprit. Nous devons nous adapter, car certains acteurs prennent eux-mêmes des initiatives et imaginent de nouveaux modèles d’entreprise, tels qu’Uber ou Airbnb. Pour ce faire, ils n’ont même plus besoin d’actifs.

Il est néanmoins important que les nouveaux entrepreneurs soient soutenus et reçoivent les facilités requises. Surtout depuis que les banques ont été soumises à des règles strictes et ne peuvent plus prendre de risques à cause de la crise financière. Aux États-Unis, les capitaux à risque sont davantage disponibles, et chez nous la situation commence aussi à changer. Il y a beaucoup d’argent à disposition et, puisqu’il ne rapporte presque plus rien dans les banques, on peut s’attendre à ce qu’une partie soit injectée dans les entreprises et dans l’économie. Je pense que cela nous sera très favorable. »

« Les changements sont source d’incertitude. Mais il ne sert à rien de nous accrocher au passé. »

Détecter les compétences
« Nous devons aussi continuer d’investir dans le “capital humain”. L’afflux de l’enseignement vers les fonctions technologiques est insuffisant. Nous constatons une pénurie systématique d’ingénieurs et de diplômés de l’enseignement supérieur. Avec Agoria, nous sommes à l’origine de nombreuses initiatives visant à inciter les jeunes à se tourner vers une formation technologique.

C’est pourquoi nous invitons régulièrement des PDG d’entreprises de TI à venir prendre la parole devant une classe. Nous lançons aussi des campagnes pour les développeurs de jeux vidéo. Peutêtre devons-nous revoir le parcours de formation ? L’enseignement supérieur général est une formation générale solide, mais celle-ci est-elle suffisante pour rester compétitif sur le marché du travail de demain ? L’enseignement supérieur technique n’ouvre-t-il pas plus de portes à certains jeunes ? Je pense qu’il est de plus en plus important de détecter plus tôt les atouts et les compétences des enfants et des jeunes, et de les stimuler à les renforcer.

Les classes STEM (Science, Technology, Engineering & Mathematics) constituent un premier pas dans ce sens. Évidemment, les enseignants ont un rôle important à jouer à ce niveau. Il n’est pas question de les transformer en techniciens, mais je pense que davantage de soutien et d’informations en provenance du monde des entreprises leur seraient bénéfiques. Des classes d’initiation animées par des ingénieurs (en informatique ou autre) peuvent être une solution. Les centres de connaissances et universités doivent eux aussi s’adapter et peut-être se défaire d’un cadre d’enseignement purement théorique qui part d’une vision très large.

Je remarque que les ingénieurs américains se spécialisent bien plus souvent dans un domaine en particulier. Chez nous, un ingénieur peut être embauché partout et il sait comment aborder les problèmes de manière générale, mais souvent son potentiel ne devient rentable qu’après quelque temps. À l’inverse, les entreprises d’aujourd’hui ont besoin de solutions instantanées au sein d’un marché en rapide évolution. Les stages sont également essentiels. Aux Pays-Bas, peu de diplômés de l’enseignement supérieur quittent l’école sans emploi. La raison ? Ils ont acquis leur première expérience professionnelle dans le cadre de stages. C’est un aspect sur lequel nous pouvons encore beaucoup progresser en Belgique. Nous nous faisons un plaisir d’y travailler en coopération avec Agoria. »

Cet article a paru dans notre magazine clients «et cetera». Cliquez ici pour plus d'informations.

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