Le Club de Rome va bientôt s’interroger sur les «limites de la croissance», les Etats arabes s’apprêtent à restreindre temporairement l’extraction du pétrole et à Kaiseraugst, des manifestants empêcheront la construction d’une centrale nucléaire. Dans un tel environnement, le cadre macro-économique est lui aussi modifié. BBC doit se réorienter.
Contrairement à ses prédécesseurs, Franz Luterbacher n’est pas issu d’une dynastie d’industriels. Son grand-père et son père sont des spécialistes des langues anciennes. Il voit le jour à Berthoud en 1918, où il effectue sa scolarité avant d’étudier le droit à l’université de Berne. Après avoir obtenu son brevet d’avocat, Franz Luterbacher entre à l’administration fédérale des finances et y devient responsable du service juridique en 1948. Finalement, en 1954, il part dans le secteur privé comme directeur financier de la fabrique de machines d’Oerlikon, dont il devient président de la direction en 1960. BBC et la fabrique de machines d’Oerlikon fusionnent en 1967, Franz Luterbacher devenant d’abord délégué du conseil d’administration puis, trois ans plus tard, président de BBC. Son élection au poste de président du conseil d’administration n’est pas prévue de longue main. En fait, c’est l’ancien conseiller fédéral Hans Schaffner qui avait été désigné. Cependant, celui ci jette l’éponge immédiatement après son élection et Franz Luterbacher prend les commandes.
Dans les années cinquante et soixante, le groupe a connu une croissance très rapide. En 1970, l’entreprise emploie un peu moins de 92 000 personnes dans le monde entier, dont 15 600 en Suisse. Mais BBC ne dispose pas de structures adaptées à sa taille. L’entreprise ressemble plus à un conglomérat sans consistance d’entreprises indépendantes qu’à un groupe d’envergure mondial fermement dirigé. C’est la raison pour laquelle Franz Luterbacher restructure le groupe. Il crée une direction composée de cinq personnes, l’organe suprême du groupe, et partage BBC en cinq divisions. Au cours de son mandat, Franz Luterbacher procédera encore plusieurs fois à de telles réorganisations structurelles.
Franz Luterbacher s’acquitte de sa mission d’une main ferme. Il ne cherche pas à éblouir, n’est pas quelqu’un qui se fait remarquer dans les réunions. L’échange de vues policé est important pour lui, tout comme le consensus dans l’entreprise et sa direction. Il puise l’énergie nécessaire à sa mission dans de longues randonnées à travers les Alpes bernoises, où il possède une cabane loin de tout, sans téléphone ni électricité. En 1985, il transmet la présidence à Fritz Leutwiler. L’environnement macro-économique a déjà de nouveau si fortement changé que des réformes en profondeur sont encore une fois indispensables.